Aujourd’hui j’aimerais introduire un classique dans l’évaluation du design dans l’Entreprise: l’échelle de maturité du design (en anglais: The Danish design ladder). Si en tant que designer je sais ce que je peux apporter aux entreprises, il est souvent difficile pour les entreprises de réaliser le potentiel du design. Et pour introduire cela, voici deux chiffres:
- “Pour chaque £1 investi dans le design, les entreprises peuvent prévoir plus de £20 de revenus supplémentaires.” (UK Design Council, 2013).
- En 2016, 38% des entreprises en Europe n’utilisent pas le design (Innobarometer).
Introduction au contexte
Le design apporte avant tout des avantages intangibles, souvent difficiles à mesurer et donc à assimiler pour nos entreprises. Heureusement de nos jours nous avons de plus en plus d’organisations, gouvernementales ou non, qui mesurent et apportent des outils, des statistiques permettant une meilleure connaissance et transition vers le design. Le but étant de passer du “Pourquoi ?” au “Comment ?”. Voici les principaux acteurs:
- Danish Design Center (Danemark)
- UK Design Council (UK)
- Aiga (USA)
- Design For Europe (Europe)
- The Bureau of European Design Associations (Europe)
- La Cité du design (Saint-Etienne)
- L’APCI (Paris)
Ces organismes sont également là pour favoriser l’utilisation du design, ils proposent des workshops et séminaires, voire des aides au financement pour les entreprises souhaitant intégrer le design. N’hésitez pas à visiter leurs sites internets (France et Europe).
C’est également l’un d’entre eux, le Design Management Institute, qui a sorti ce schéma assez saisissant sur ce que peut apporter le design: en moins de 10 ans le “Design Index”, qui comporte actuellement seize entreprises, a surpassé l’indice S&P500 de 219%.
“Okay on a compris, le design c’est bien mais concrètement comment l’introduire le plus efficacement possible dans une entreprise?”
L’échelle de maturité du design – un outil pour le designer
Ce modèle (“framework”) développé par le Danish Design Center en 2001 sert à mesurer le niveau d’intégration du design dans les entreprises. En 2003, au vu des résultats, il a été suivi par une initiative du gouvernement danois promouvant le design comme l’un des piliers stratégiques pour le développement économique national.
Cette échelle est divisée en quatre échelons:
Au delà de la progression des entreprises, l’échelle a permis de prouver, avec des chiffres, l’intérêt financier du design (lien en anglais). Il a également servi de structure au DDC pour développer leur méthode de formation.
Cette échelle permet notamment aux designers d’adapter leurs communications, leurs stratégies, leurs méthodes en fonction de la position de leurs client·e·s sur cette échelle de maturité.
Les entreprises: savoir s’adapter
Adapter sa communication et sa stratégie permets notamment d’apporter les bons arguments pour convaincre. S’il sera plus facile de discuter face à des gens voué·e·s à la cause Design, il sera probablement beaucoup plus compliqué face à des néophytes. Que ce soit par mauvaise volonté (peur du changement, mauvaises expériences passées,…) ou par inexpérience, vous pouvez vous retrouver face à des gens totalement désintéressés qu’il faudra malgré tout essayer de convaincre.
Il existe généralement deux points de vues assez courant de nos jours et je vais essayer de vous fournir quelques outils pour faire face à ces réactions. Que vous soyez designer ou bien que vous découvriez le design, cela devrait vous intéresser:
- Pas intéressé·e: “Non le design est inutile pour notre entreprise.“
Il s’agit généralement d’un manque de connaissance des opportunités qu’offre le design. Dans ce cas il faut adapter son message et savoir mettre en avant les avantages du design d’un point de vue économique. Je vous conseille de lire ce pdf:
Design Impact: quand le design créé de la valeur pour l’entreprise. (136 pages)
Facile à lire (ou à feuilleter) et très bien expliqué, ce pdf tente de montrer les atouts du design: les leviers qu’il actionne, les impacts qualitatifs, quantitatifs et financiers sur l’Entreprise et surtout une quarantaine d’études de cas d’entreprises françaises ayant franchi le pas et réussi. Ce document est à connaitre par cœur pour tout les designers car le langage de l’Entreprise est nécessaire pour agir de manière professionnel.
- Intéressé·e ou hésitant·e: “Mais alors comment faire?“
Dans ce cas il faudra commencer à écouter, analyser, comprendre et dégager des axes d’améliorations à développer dans le temps. Et c’est là que vos qualité·e·s de designers rentreront en jeu. Des “quick wins” peuvent être intéressant pour faire basculer un groupe ou une personne sur l’intérêt du design (un exercice sur la créativité, un workshop,…).
Dans le cas où vous n’êtes pas designer mais que vous souhaitez activement intégrer le design au sein de votre entreprise, je ne peux que vous conseiller d’entrer en contact avec des designers ou des organismes qui pourront vous aider activement. C’est seulement après un premier contact que des professionnel·lle·s pourront vous conseiller. Pour cela voici une liste non-exhaustive des structures existantes en France:
Vous pouvez également me contacter par mail ou dans les commentaires, j’essaierai de vous conseiller au mieux.
L’étape charnière dans l’échelle de maturité
La fracture qui s’opère entre les deux types de réponses que je viens de vous présenter représentent selon moi le passage entre le palier 2 et le palier 3 de l’échelle de maturité. Alors ne vous méprenez pas, les paliers représentent des compétences acquises: une entreprise au palier 4 continue à utiliser le “design comme esthétique” du palier 2 (l’inverse non). Mais je vois cette charnière comme étant le passage dans le monde du design: sa compréhension, sa culture et ses forces. On pourrait d’ailleurs y associer beaucoup de transitions:
- Du tangible vers la compréhension de l’intangible.
- Du court terme vers la vision du long terme.
- De l’externe vers l’amélioration de l’interne.
- Du design comme simple outil au design comme méthode.
Concrètement ces transitions pourraient être considérées comme des étapes (culturelles) à franchir, les unes après les autres, afin d’accéder au palier supérieur. Cela reste un processus assez long car il faut un réel changement d’état d’esprit et de comportement. Et ce changement, comme souvent, passe par la pratique et donc par une prise de contact avec un·e designer. Mais quel type de designer contacter ?
Introduction au design management
L’échelle de maturité fait beaucoup penser au design management. Cette discipline pourrait se résumer comme étant le versant business du design: la mise en place et la gestion d’un environnement favorable au design avec tous ses aspects stratégiques, tactiques et opérationnel au sein d’une entreprise.
Je vous mets un dernier pdf, un résumé de celui que je vous ai donné quelques lignes plus haut:
Le design management (19 pages)
Si le design management est une discipline en soi, il convient de préciser que chaque designer devrait comprendre les tenants et aboutissants de cette discipline. En effet des notions de bases apportent une connaissance accrue de l’Entreprise, il permet ainsi d’ajuster sa stratégie personnelle auprès des clients et il permet la bonne compréhension du design par ces Entreprises pour de meilleurs relations professionnelles.
Par exemple l’un des points clés du design management est de mesurer l’impact du design (KPI) dans l’entreprise. Sans cela, l’entreprise ne comprendra jamais les bienfaits économiques du design et donc les atouts qu’apportent les designers.
Petit rappel pour dire que le métier de designer, comme n’importe quel métier, doit être rémunéré. Si vous demandez à un·e designer de travailler gratuitement, cela signifie que vous n’avez pas compris l’investissement (ainsi que le retour sur investissement) que cela peut représenter. Ce n’est pas grave, mais pensez-y lorsque vous contacterez l’un de ces designers, cela serait dommage de partir du mauvais pied.
Le mot de la fin
Si le rôle du design dans l’Entreprise est de moins en moins remis en question il arrive parfois que le contact et la mise en place soit difficile. Et c’est bien le rôle du designer que de savoir s’adapter à la situation, quitte à changer sa communication, sa stratégie ou ses méthodes. Que ce soit une PME ou une multinationale, dans le secteur privée ou public, dans le B2B ou le B2C, l’échelle de maturité du design permet donc d’évaluer la vision d’entreprise concernant le design. Elle permet ensuite, aux designers, de pouvoir ajuster simplement leurs discours, communiquer efficacement avec leurs clients pour atteindre l’excellence dans leurs projets communs.
Aller plus loin:
Building next generation design support programme (en – 16 pages): Les feedback de tous ces programmes et comment les améliorer en sept points (Politique, Définir, Configurer, Délivrer, Promouvoir, Mesurer et Impacter)
Roi: measurable design (en – 143 pages): Mettre en place des mesures pour quantifier le design (que l’on appel également le RODI: Return Of Design Investment). De la théorie à la pratique.
Design Policy Monitor 2015 (cliquer sur download attachments) (en – 16 pages): Créé par le SEE (Sharing Experience Europe), c’est donc un résumé de l’écosystème du design et de l’innovation en Europe.
Design maturity survey: questionnaire en anglais pour évaluer le design dans votre entreprise (10 minutes environ). Il n’y a pas de notes, soyez sincère.
“Designer”, mot anglais, est maintenant utilisé en français. Cela donnerait le féminin assez particulier de “designeuse” normalement réservé pour les terminaisons en “-eux” ou “-eur”. Comment écririez-vous donc la forme inclusive? designer·euse, designe·r·use, designeur (qui serait spécifique à ce blog), designer·e, simplement designer, une autre idée ? Sachant que c’est un mot qui risque de revenir souvent je préfère en discuter avec vous, lecteur·ices. 😉
Au féminin ? Designer sans aucune hésitation.
C’est un mot anglais.